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| Georges Bataille | 
 ma folie et ma peur
 ont de grands yeux morts
 la fixité de la fièvre
 ce qui regarde
 est le néant de l’univers
 mes yeux sont d’aveugles ciels
 dans mon impénétrable nuit
 est l’impossible criant
 tout s’effondre
                  *
 almanach de lessive d’encre
 immortalité de poète velu
 poésie cimetière d’obésité
 adieu blanquettes grivoises
 doux morts costumes en femmes nues
 adieu mensonge sommeils
                             *
prurit infini de fourmis arrestation
tri de papiers moustaches en poussière
wagonnets de fièvre
colonnade de pluie folle
claquements de linceuls souilles
funèbre impudeur des humains os
là une foule amoncelle des boites de peut‐être                          
un gendarme en chemise du haut d’un toit
gesticule une faux le Démon
                            *
je t’égare dans le vent
je te compte chez les morts
une corde nécessaire
entre le vent et le cœur
                           *
Je n’ai rien a faire en ce monde
je t’aime a en mourir
ton absence de repos
un vent fou siffle dans ta tête
tu es malade d’avoir ri
tu me fuis pour un vide amer
qui te déchire le cœur
déchire‐moi si tu veux
mes yeux te trouvent dans la nuit
brûlés de fièvre.
                         *
J’ai froid au cœur je tremble
du fond de la douleur je t’appelle
avec un cri inhumain
comme si j’accouchais
tu m’étrangles comme la mort
je sais cela misérablement
je ne te trouve qu’agonissant
tu es belle comme la mort
tous les mots m’étranglent
                          *
étoile perce le ciel
crie comme la mort
étrangle
je ne veux pas la vie
m’étrangler c’est doux
l’étoile qui se lève
est froide comme une morte
                         *
bande‐moi les yeux
j’aime la nuit
mon cœur est noir
pousses‐moi dans la nuit
tout est faux
je souffre
le monde sent la mort
tu es sombre comme un ciel noir
                          *
la fête commencera
dans la boue et dans la peur
les étoiles tomberont
quand la mort approchera.
                        *
Tu es l’horreur de la nuit
je t’aime comme on râle
tu es faible comme la mort
je t’aime comme on délire
tu sais que ma tête meurt
tu es l’immensité la peur
tu es belle comme on tue
la cœur démesuré j’étouffe
ton ventre est nu comme la nuit.
                       *
Tu me mènes droit vers la fin
l’agonie a commence
je n’ai plus rien a te dire
je parle de chez les morts
et les morts sont muets.
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| Georges Bataille, L’Archangélique, Paris, Messages, 1944 | 
Illustrations : Georges Bataille. L'Archangélique. Notes sur Georges Bataille par Patrick Waldberg. Cuivres originaux de Jacques Hérold.
Version PDF chez Maldoror Press ICI
 

