Là, dans un bosquet entouré de fleurs, dort l'hermaphrodite, profondément assoupi sur le gazon, mouillé de ses pleurs. Les oiseaux, éveillés, contemplent avec ravissement cette figure
mélancolique, à travers les branches des arbres, et le rossignol ne veut
pas faire entendre ses cavatines de cristal. Le bois est devenu auguste
comme une tombe, par la présence nocturne de l'hermaphrodite infortuné.
O voyageur égaré, par ton esprit d'aventure qui t'a fait quitter ton
père et ta mère, dès l'âge le plus tendre : par les souffrances que la
soif t'a causées, dans le désert : par ta patrie que tu cherches
peut-être, après avoir longtemps erré, proscrit, dans des contrées
étrangères ; par ton coursier, ton fidèle ami, qui a supporté, avec toi,
l'exil et l'intempérie des climats que te faisait parcourir ton humeur
vagabonde ; par la dignité que donnent à l'homme les voyages sur les
terres lointaines et les mers inexplorées, au milieu des glaçons
polaires, ou sous l'influence d'un soleil torride, ne touche pas avec ta
main, comme avec un frémissement de la brise, ces boucles de cheveux,
répandues sur le sol, et qui se mêlent à l'herbe verte. Ecarte-toi de
plusieurs pas, et tu agiras mieux ainsi. Cette chevelure est sacrée ;
c'est l'hermaphrodite lui-même qui l'a voulu. Il ne veut pas que des
lèvres humaines embrassent religieusement ses cheveux, parfumés par le
souffle de la montagne, pas plus que son front, qui resplendit, en cet
instant, comme les étoiles du firmament. Mais, il vaut mieux croire que
c'est une étoile elle-même qui est descendue de son orbite, en
traversant l'espace, sur ce front majestueux, qu'elle entoure avec sa
clarté de diamant, comme d'une auréole. La nuit, écartant du doigt sa
tristesse, se revêt de tous ses charmes pour fêter le sommeil de cette
incarnation de la pudeur, de cette image parfaite de l'innocence des
anges : le bruissement des insectes est moins perceptible. Les branches
penchent sur lui leur élévation touffue, afin de le préserver de la
rosée, et la brise, faisant résonner les cordes de sa harpe mélodieuse,
envoie ses accords joyeux, à travers le silence universel, vers ces
paupières baissées, qui croient assister, immobiles, au concert cadencé
des mondes suspendus. Il rêve qu'il est heureux ; que sa nature
corporelle a changé : ou que, du moins, il s'est envolé sur un nuage
pourpre, vers une autre sphère, habitée par des êtres de même nature que
lui. Hélas ! que son illusion se prolonge jusqu'au réveil de l'aurore ! Il rêve que les fleurs dansent autour de lui en rond, comme d'immenses
guirlandes folles, et l'imprègnent de leurs parfums suaves, pendant
qu'il chante un hymne d'amour, entre les bras d'un être humain d'une
beauté magique. Mais, ce n'est qu'une vapeur crépusculaire que ses bras
entrelacent ; et, quand il se réveillera, ses bras ne l'entrelaceront
plus.