I
Ce soir qui choit sans sursaut comme un
lourd foulard de soie
Sur toute face à masquer : c'est
le soir que l'on prévoit
Suivi de la nuit sans fin sous qui
toute lueur ploie.
Glas ! Voici, l'heure est venue.
Allons, mes frères, debout.
Mes frères entendez-moi, vous qui
sommeillez, corps mou
En tapinois bondissez, espadrilles de
veloux*.
Muscles-onagres tendus. Que la nuit
s'étende là,
Sur la rougeoyante glèbe où plus d'un
s'endormira,
L'éclair, cru, photographié, dans ses
yeux, des coutelas.
Nuit partout. La rumeur sourd, qui va
tonner. En avant !
C'est la prière du soir aux grands
épouvantements.
Frénétiques il nous faut des lambeaux
de chair aux dents.
Nuit partout. Alors tuons, tuons sans
distinguer si
C'est un cher de notre chair, ou si
c'est notre ennemi.
Faisons gicler sous nos poings le sang
de n'importe qui.
La nuit, c'est un drapeau noir. Il faut
inonder ses toiles
De flaques de sang humain. Ces
écarlates étoiles
Brilleront d'un feu de torche en la
gorge d'un qui râle.
Je suis mage, écoutez-moi. Je créerai
l'illusion
De vastitudes du noir dont aucun n'eut
vision
Mais d'abord, sans prendre souffle, à
profonds ahans, tuons !
Dans la nuit, ombre du trône en
charbon creux du fatal
Laissez régner sur vous tous un
instinct impérial
La soif qu'étanche le meurtre, et ce
miracle des râles :
Révolte perpétuelle et sacrifice au
nihil.
Trucider par acte pur : seule la
raison est vile
Le rêveur inconscient selon sa loi
nous agit.
Pataugeant sur les étals des vieux
cadavres éclos
En helminthes et en pus, gorgeons-nous
de ce sang chaud
Qui fuse des moribonds dont nous
détraquons les os.
Et surtout pas de pitié. N'implorez
pas le remords,
Est-ce notre faute, ô poux, si nous
sommes les plus forts.
A mort les inoffensifs ! À mort
tous les herbivores !
Nous sommes les fauves noirs des
savanes de folie.
Par les ongles, par les crocs il faut
que la terre oublie
Ses hôtes ratiocinants, aux rythme de
nos vertiges.
A jamais, au long des temps de
l'avenir, il est nuit.
Le Temps : éteignoir du feu des
terrestres incendies,
Sur la planète points d'or, in
memoriam des villes...
II
Là, soudain. Après quel temps ?
- oh, la démence a menti!-
Au flanc poli de la nuit, cette frange
de sanie
Hyaline finement : voici pourrir
l'aube honnie.
A l'incendie embrassant, en signal de
mort, la terre
La damnation de tout répond :
aiguille-mystère
Au chaos originel inoculant la lumière.
Cou roidi, tête aux cieux, hurle
atavique lycanthrope !
Thorax du noir écrasé sous le pilon
des galops
Qu'assène l'astre vengeur,
blasphémateur du chaos
Coup de pioche, ô désespoir, au creux
mat de l'estomac.
L'holocauste massacreur au souvenir
prénatal
Fut vain. Avec le soleil lentement
renaît le mal.
L'horreur du chancre-raison jadis
extirpé du crâne,
Lucidité consciente à cloîtrer de
nouveau l'âme
Si, mage à crucifier, je n'étais la
voix qui clame :
Le rêve a menti, pardon ! Mais,
hommes, il ne faut pas
Trahir sa beauté. Trop tard pour
repiétiner nos pas
S'accroupir comme autrefois ? Oh
non, tous aux promontoires !
Près de l'océan hurleur qui s'informe
sous le vent,
Jonchons les grèves, coupons nos
mains, nos palmes sanglantes,
Le labeur les pollua, jadis. Lis
agonisants.
Dieux manchots.- Raz de marée,
engloutis dessous tes houles
Nos yeux hagards, fascinés aux passe
des tentacules,
Sous les regards mou-dardés de
myriades de poulpes !
De
nuit au poêle ensanglanté
Pleurez
ô plombagines gémis ton cœur
Griffe
ô griffez nénies j'aime peur
De
soif et telle à la fuite des heures
Cassez
cadran ligne d'acier pâle
Horizontale
fuie à l'appel jamais
entendu
encore aux soies de pluie
J'aime
j'aimerais le temps
et
griffes d'or hissez
Sans
but ou base sainteté ruse
Cris
cassés au cadran dont le
choc
en retour d'enfant
prodigue
viendra luire à
l'indication
des fées casques de
feu
des mages pétrel ô variée
pluie
de cristal pavillons
pavillons
phalènes voix
étouffés
des plumes ô Martinique
impartiale
pour sans
avoir
à le dire adieu
Coq
à crever ta gorge
N'épouvanteras
point
Blé,
lin, de l'huile à l'orge
Le
nain bleu de sainfoin
Si
ton cri s'interpelle
Accroché
par le bec
Aux
fers de caravelles
préfère
ton rebec
Moralité
De
soie ou de voix végétale
Quelque
chemin qu'il soit honni
Varie
un peu rouge métal
Celui qui le miracle nie
*( La graphie – comme
dans la version du petit carnet –
ne fait pas de doute :
veloux )
merci d'avoir publié ce magnifique poème de RGL héros
RépondreSupprimerhéroïque
que l'héroïne
tua.