lundi 29 octobre 2012

Joyce Mansour - Pour celles qui désirent dans l'ombre et le brouillard


Pour M.L.

Nout
Sans répit
Aux rongeurs sacrifiée
Nout
Coiffée de sa vulve tel un rêve prolongé
Nue comme une fille dans la bouche du canon
Kodak
Elle ouvre ses mille yeux
Et fait la roue sur ma poitrine
Feu de salve
L'eau salée fait irruption
Secrets et violence de la cruche couleur d'avoine
Renversée
Nout mère du veau naissant chaque fois que l'aube agite
Son plumeau de flammes au-dessus de l'horizon
Son pubis est un puits rare perdu dans le désert
Basilique aux rosaces cannibales
Autel empoisonné par le sperme
Cage thoracique pour robustes Cléones
Elle hurle et se débat
Une crête aux roues dentées
Creuse des sillons sur mes joues
Foudre récurrente ferveur corrosive
Ventre à ventre
Jambes deçà
Jambes delà
Elle m'enlace et puis s'envole
Mais inversons l'étoile
Nout ton sexe est un coq
Qui sur mon crâne lentement se dégorge
O le silence de ce sang coulant sans cailloux
Ni feuilles affaiblies pour ralentir sa chute
Lourds sanglots grassement angoras
Murs de pleurs glanduleux
Sang indigo qui sur mon front oscille
Nout la nuit
Si l'éclair fendant l'eau est un pénis aveugle
Et le ciel croûte ingrate une clef faussement chiffrée
Qui parsèmera ton corps de bourgeons stupides
Qui osera s'endormir

Extrait de « Phallus et Momies » (1969)

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