Les
grandes centrales hydrohistoriques puisent leur énergie à l'écume
mentale du vécu non-voulu. A vrai dire, on ne se retourne pour voir
qui meurt et qui naît. A force de flatteries, la matière se
soulève, se croit première, lauréate en devinettes explosives, et,
comme à Lourdes, de décourageants miracles s'opèrent, - une sorte
de vague revanche des goitreux tient la scène à la manière dont un
long filet de bave tient encore à la lèvre inférieure des
ratatinés.
On rêve de jurons perforants et d'oreillers parjures où l'on
laisserait sa tête sans regrets. Un récitatif de somnambules
décline l'histoire comme Rosa, Rosae, nous décline aussi en
passant, décline du même son de trompe, de la même voix suppurante
Notre père balistique qui êtes aux cieux et hourra
l'oural, décline
enfin de bonnes invitations, le billet d'entrée au grabuge
ontologique de la bête en gaîté. Là, notre cœur trébuche. Cette
bête en gaîté, c'est peut-être une allusion après tout. Plus de
santé, disait Goethe, furieux de rater le Second Empire. Le
désespoir crée l'orgasme.
C'est maintenant l'âge de l'adulte
prodige. L'âge où le style du perdant se perd et où la joie du
gagnant prend l'expression hagarde et méfiante de l'homme à la
crotte suspendue, Le Spoutnik – fait divers qui abolit le vertige
mais non le goût de choir – est décidément d'un piètre secours
à l'époux qui se réveille cocu. On passe de main en main. On
s'éloigne de soi sans se rapprocher de l'horizon. Gauguin, au bout
du monde, peint une « Nativité » qui devient ridicule au
fur et à mesure que son fils grandit, doublement représentatif de
la laideur tahitienne et de l'inconvénient des voyages. Après la
bohême, l'adhésion. Dans le sperme du dandy, s'agite déjà le
militant. Il appartient à celui-ci d'organiser l'indifférence, de
préparer les sandwiches pour le banquet final de l'indifférence.
Pourtant, quelqu'un répugne à tourner les pages pour le pianiste.
Quelqu'un mouille les cordes et abandonne à son sort la volonté
d'efficience bénéfique. Les mythes séditieux de la nuit n'ont donc
pas renoncé à leur œuvre. Quelqu'un devient esprit frappeur. Non
point succube, ni médium ; mais crête d'un
langage intermittent qui exorcise le manque d'être.
L'esprit frappeur n'hésite pas. D'emblée, il se charge de rendre
inintelligible le débat. Mais, parfois, tel un train illuminé
courant vers une frontière trouée, il traverse la vie des lecteurs
de romans lents, des joueurs de boules, des inventeurs de l'attente,
des filles dont la sueur colore des boissons frelatées, et agite
leurs faibles mains d'un tremblement possessif.
L'esprit frappeur est étoilant et
rieur.
Avis aux gens aux dents courtes.
Georges Henein
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire