Gustave Moreau (6 Apr 1826 - 18 Apr 1898) - Orphée sur la tombe d'Eurydice, 1891 |
Le chantre sacré n'est plus. La grande voix des êtres et des
choses est éteinte. Le poète est tombé inanimé au pied de l'arbre
desséché aux branches frappées de mort. La lyre délaissée est
suspendue à ces branches gémissantes et douloureuses.
L'âme est seule, elle a perdu tout ce qui était la splendeur,
la force et la douceur ; elle pleure sur elle-même, dans cet
abandon de tout, dans sa solitude inconsolée ; elle gémit et
sa plainte sourde est le seul bruit de cette solitude de mort, tandis
que, symbole du souvenir et de la piété fidèle et invincible, une
lampe au fond d'une crypte funéraire répand sa lumière attristée
et douce, sa flamme tremblante brûlant toujours.
Le silence est partout, la lune apparaît au dessus de l'édicule
et de l'étang sacré clos de murs. Seules les gouttes de rosée
tombant des fleurs d'eau, font leur bruit régulier et discret. Ce
bruit plein de mélancolie et de douceur. Ce bruit de vie dans ce
silence de mort.
(10 octobre 1897)
Extrait de "L'assembleur de rêves, écrits
Extrait de "L'assembleur de rêves, écrits
complets de Gustave Moreau"
(A Fontfroide, Bibliothèque
artistique & littéraire, l'an
MCMLXXXIV, © Fata Morgana, 1984)
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