En ces dictons obscures,
Rabelais nous dit que les « grenoilles en leur premiere generation sont
dictes gyrins et ne sont qu’une chair
petite, noire, avecques deux grans oeilz et une queue », c’est la
description du têtard. Mais Rabelais ajoute plaisamment : « Dont
estoient dictz les sotz : Gyrins », selon Platon, Pline ou
Aristophane.
Mais la grenouille, féminisation
du crapaud, est moins aujourd’hui symbole de bêtise que de babil et de
bavardage inconsidéré.
Dans l’Antiquité, la grenouille était « une plaie » :
comme la sauterelle, elle faisait partie de cette faune incertaine, mi-normale,
mi-monstrueuse, représentant les vestiges du chaos primordial où les animaux
hésitaient encore entre l’eau et la terre, entre le monde aquatique et le ciel.
Au Moyen Age et jusque chez Victor Hugo, la grenouille reste associée à
l’univers des crapauds, des lézards, des serpents même. Bête des marécages,
sortant de son obscur habitat à la nuit tombée pour honorer la nuit ou la lune
de son coassement inhumain et pourtant mélodique, elle est bénéfique et
maléfique. Ambivalence que l’on retrouve dans de nombreuses légendes. Le
batracien est cependant un animal lunaire avant tout. Il subit des
métamorphoses. Du têtard, le gyrin de Rabelais, à sa nature adulte, accroupie, expectative,
capable de s’enfler au point d’éclater. Et cet enflement est encore une
métamorphose. G. Durand souligne que « la grenouille, comme le lièvre,
habite et hante la lune et joue le rôle d’avaleuse diluviale associée à la
pluie et à la fécondité ».
Animal lunaire associé à la pluie, la grenouille devient baromètre,
montant et descendant son échelle pour prédire aux hommes le temps qu’il fera.
Symboliquement elle vire du rose au bleu selon les normes modernes de
l’information divinatoire. En réalité, la grenouille est verte : c’est un
symbole de résurrection et d’espérance. Selon Maspéro, les premiers chrétiens
figuraient la Résurrection pascale sous l’emblème d’une grenouille placée au
centre d’un lotus. Les Egyptiens en avait fait l’hiéroglyphe du renouvellement
en raison, encore, de ses métamorphoses, et le symbole de la curiosité.
On remarquera sur le célèbre tableau de Jérôme Bosch, l’escamoteur, qui met en dérision cette
curiosité mauvaise conseillère, une grenouille sur la table du bateleur.
Fraenger nous rappelle (op. cit. p. 253 et 262) que la grenouille était l’idole
de la secte hérétique des Ebionites et « symbole gnostique traditionnel de
l’androgynie comme de la résurrection et de l’immortalité ». Cette grenouille gnostique apparaît ailleurs
dans plusieurs tableaux de Bosch en particulier dans la Tentation de Lisbonne où elle incarne, toujours selon Fraenger,
l’aberration hérétique, la tentation et la perversion satanique.
L’église la retrouve dans ses
bénitiers. Avant que l’on désigne par l’expression « grenouille de
bénitier » une bigote qui frise l’hérésie en exagérant sa religiosité, il
était convenu de sculpter au fond des bénitiers un crapaud ou une grenouille
qui figurait le démon ainsi exorcisé sous deux doigts d’eau bénite.
On
consultera si l’on peut, l’Histoire des
grenouilles de A.J. Roesel (1758) dont les planches admirables mêlent la
fiction et l’exactitude scientifique.
(Tiré du « Bestiaire
Fabuleux » de Jean-Paul Clébert,
Editions Albin Michel 1971)
Petite grenouillette qui suggèrera toujours un monde différent à chacun.
RépondreSupprimerCelle-ci est tellement jolie qu'elle sera celle de nos contes enfantins ! Enfin, pour moi !
Belle photo!