L’INCANTATION
DU GRAND DESASTRE*
Lourde des
trois saisons suspendues à sa tête
marchant par
le hasard et disant le destin
la voix
tremble en voyant quel sera l’espace
trois
visages imprévus se rencontrent soudain
et dansent
devant elle pour éprouver l’orage
goth veineiénéla
veinen goth
goth veineiénéla
veinen
Le cadavre
en passant perdait ses oubliettes
et rentrait
dans le sol bien armé de ses dents
mais la dame
soudain lui montrait les cachettes
où les
aigles mortels s’effondraient en criant
goth veineiénéla
venen goth
goth veineiénéla
veinen
Pour danser
sur la braise il faut mourir avant
répondaient
les oiseaux les doux oiseaux de poudre
et les yeux
qui montaient à la corde des ombres
et les yeux
qui blessaient les yeux des fins du monde
abattus sur
les eaux laissaient tourner le vent
goth veineiénéla
veinen goth
goth veineiénéla
veinen
Mais l’arbre
des unions n’entendait pas merveille
la cloche
inespérée se mariait au feu
et l’ordre
d’avancer chanté par les corneilles
se lava de
vin tiède et fit la part des dieux
goth veineiénéla
veinen goth
goth veineiénéla
veinen
Alors quatre
géants descendus des abîmes
portés par
l’Animau qui buvait ses aïeux
assis sur
les décombres éteignant les victimes
firent
tomber les fruits en chantant leurs adieux
goth
goth
goth veineiénéla
veinen goth
veineiénéla veinen
veinen veineiénéla
veinen
goth veinen
veineiénéla veinen
goth
(*)Le grand Jeu, n°3 (octobre 1930). Le
poème date en fait de 1929, et Delons l’avait proposé d’abord aux Cahiers du
Sud.
***
Certaines musiques devenues reines, établies en plein silence, et fracassantes dans leur douceur,
certaines musiques douées de coups d’épaules et de larges océans d’ombre, remuaient,
remuaient,
mangeaient l’espace à pleins nuages, et soudain, à l’heure de la marée
basse, accentuées par un tonnerre invisible et secret, se précipitaient devant
lui : chants de bouche close, avec les vraies paroles lourdes et inexprimables.
Chant de l’abandonné et chant du grand Convive.
Le promeneur habité du
désastre, se retrouve un jour à errer seul au bord d’une plage sèche, lavée de
vents, et parfaitement immense. Il avance comme on dormirait. Plus tard, il
s’agira peut-être de retrouver quelque chaleur, d’aborder avec modestie les
tables où s’assemblent des personnes rieuses, et de tenir un langage
perpétuellement trébuchant, renouvelé par la lumière qui tombe, le feu qui
couve, la lumière qui s’allume et l’heure. Il se souvient qu’étant enfant et
presque dans les mêmes circonstances- les mêmes vraiment, tout à fait les
mêmes, si ce n’est qu’un objet réel, ici, qu’un corps réel, qu’un regard réel
font tout son trouble, alors que jadis sans doute ce n’était que le souvenir
prémédité de cette absence qui était son dénuement- il lui arrivait de passer
au bord d’une maison où une femme incertaine jouait avec insouciance sur un
piano. Cette musique le surprenait et le calmait, avec tous les signes d’une
promesse qu’on jetterait devant lui, dans le vide, pour son propre vide, avec
les doigts même du hasard. Il n’y avait pas de doute que l’ombre portée par ces
mains sur ce clavier ne fût celle même qui bougeait sur la ligne de ses pas et
qu’une même connaissance agissait de l’une à l’autre ombre, en dépit des
apparences de légèreté ou de joie étrangère, ou encore de nullité, qui
parcouraient à cet instant les gammes profondes, de l’autre côté de lui, au
fond de la lumière autour de laquelle tournaient les gens heureux. Il n’y a pas
de regard plus sûr qu’un chant qui s’abat sur les épaules dans l’obscurité du
malheur.
( André Delons « du Grand Jeu » Poèmes 1927-1933 suivi de L’homme
désert » Extraits.
Textes réunis et présentés par Alain et Odette Virmaux, éditions
Rougerie 1986. )
http://fr.wikipedia.org/wiki/André_Delons
Artür Harfaux - Portrait de André Delons et Maurice Henry, |
http://fr.wikipedia.org/wiki/André_Delons
merci pour ces beaux poèmes d'André Delons.
RépondreSupprimerDavid Nadeau