dimanche 6 mars 2011

HELENE JUNG "La vierge au donateur"

Mort, je  m’exalte de ton goût prématuré
Et je pressens  obscurément ta jouissance.
Dès maintenant, je marche grave à tes côtés
Pour colorer ma vie près de ton Existence.

Sur le calice ruisselant des agonies,
Sur la lie incarnate et froide qu’on boira,
Laisse- moi respirer ton odeur infinie,
Ton étrange parfum nocif de daturas.

Ainsi  la momie de Thaïs, nue, entravée
D’algues de pourpre des bandelettes sacrées
- Morte courtisane aux caresses sans échos
Qui serre dans ses frêles mains passionnées,
Couleur de cendre, une rose de Jéricho,
Et qui sait la saveur de ces minutes telle
Qu’on la dirait la reine immobile de l’air,
Jouit d’une volupté suprême dans sa chair
Volée un peu de temps à la mort éternelle !

Le jour où je vous dirai "Toi"
Nous serons alanguis de lascives musiques
Dont les sons allongés frôlent les épidermes
Jusqu’au moment où, frénétiques,
Les désirs germent
Comme des fleurs de chair, brutales et mystiques.
Sauvagement, nous unirons nos cruautés
En baisers qui se font morsures,
En spasmes qui se font tortures
Et vous ne serez plus l’idole froide et pure,
Vous humaniserez enfin votre beauté,
Vous appellerez la luxure
De tous vos sens exaspérés
Et vous aurez soif de plaisir et de joie.

Le jour où je vous dirai "Toi"
Vous serez ma proie ardente et hurlante
Et vous serez à moi, bien à moi, toute à moi.


 (extrait de « Quelques poètes frénétiques » de la revue « Plein chant » N° 37-38 (1978)


http://www.pleinchant.fr/






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