samedi 14 janvier 2012

PAUL ELUARD - VALENTINE HUGO


L'heure exacte 




à Valentine Hugo


L'heure exacte marque la rage Et la spirale de lanières qui s'écroule
Aux dents de singe Au seuil des plaies au seuil du baume
Vingt-quatre couchers de soleil
Sur un horizon ridicule Mal funèbre mal d'encre
Vingt-quatre couchers de province Caché par des doigts purs
Aux joues exquises La glaise de l'automne alourdit le feuillage
Ont fini de délibérer Le cheval arrivé ne dépassera pas
La corde pour se pendre
Et mille lieues de fuite à débrider L'horloge enfarinée dit l'heure du départ
Rayon maigre innocent Mais elle est arrêtée.




Un droit de regard enfin
sur le poème


Sur la place grandie d'une seule ombre centrale et où les lampes et les arbres sautent le mur de la lumière, dix doigts transparents travaillent, Montreurs d'images, des plus anciennes : l'Enchantement, aux nouvelles qui sont la Grâce, ils perçoivent l'inconnu sous la forme amie du connu. Ici, nulle convention pour nous faire fuir cette complicité protectrice. Chaque part du connu, nous la rangeâmes où elle est. Elle nous apprend que nous fûmes en ordre, et que nous aurions pu rester délimités, isolés, perdus. Mais nous imaginâmes l'inconnu. Notre idéal pris corps.
Agiles, fines et fortes, les mains de Valentine Hugo retrouvent l'objet des mots, non orgueilleux, mais ambitieux : décrire, inventer, décrire l'objet, dont on ne peut douter, écume toujours neuve, premier sortilège. Un droit de regard enfin sur le poème . Naïf effort de la sincérité, de la conscience dans un domaine où le mensonge, même vain, s'anéantit ! Et puis voir sans effort.
Sur la terre et sur l'eau, parmi les nuages et sur la vitre, nous avons admiré, sans les comprendre, ces souhaits, ces sceaux éphémères de mousse, d'herbe, de ramilles, de givre dont Valentine Hugo frappe la boule d'or pur qui s'en va rouler dans les plaines du papier.


( Extrait de Paul Eluard "Voir" Editions "Trois Collines" 1948 )



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