L'heure
exacte
à
Valentine Hugo
L'heure exacte marque la
rage Et la spirale de lanières qui s'écroule
Aux dents de singe
Au seuil des plaies au seuil du baume
Vingt-quatre couchers de
soleil
Sur un horizon ridicule
Mal funèbre mal d'encre
Vingt-quatre couchers de
province Caché par des doigts purs
Aux joues exquises
La glaise de l'automne alourdit le feuillage
Ont fini de délibérer
Le cheval arrivé ne dépassera pas
La corde pour se pendre
Et mille lieues de fuite à
débrider L'horloge enfarinée dit l'heure du départ
Rayon maigre innocent
Mais elle est arrêtée.
Un
droit de regard enfin
sur le poème
Sur la place
grandie d'une seule ombre centrale et où les lampes et les arbres
sautent le mur de la lumière, dix doigts transparents travaillent,
Montreurs d'images, des plus anciennes : l'Enchantement, aux
nouvelles qui sont la Grâce, ils perçoivent l'inconnu sous la forme
amie du connu. Ici, nulle convention pour nous faire fuir cette
complicité protectrice. Chaque part du connu, nous la rangeâmes où
elle est. Elle nous apprend que nous fûmes en ordre, et que nous
aurions pu rester délimités, isolés, perdus. Mais nous imaginâmes
l'inconnu. Notre idéal pris corps.
Agiles, fines et fortes, les mains de Valentine Hugo
retrouvent l'objet des mots, non orgueilleux, mais ambitieux :
décrire, inventer, décrire l'objet, dont on ne peut douter, écume
toujours neuve, premier sortilège. Un droit de regard enfin sur le
poème . Naïf effort de la sincérité, de la conscience dans
un domaine où le mensonge, même vain, s'anéantit ! Et puis
voir sans effort.
Sur la terre et sur l'eau, parmi les nuages et sur la
vitre, nous avons admiré, sans les comprendre, ces souhaits, ces
sceaux éphémères de mousse, d'herbe, de ramilles, de givre dont
Valentine Hugo frappe la boule d'or pur qui s'en va rouler dans les
plaines du papier.
(
Extrait de Paul Eluard "Voir" Editions "Trois
Collines" 1948 )
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