Je sais que ma sœur sent
la banane.
Ses grands cheveux, en frottant mon nez, ont une odeur ordinaire de
dessert manqué. Mais lorsqu'elle se tourne vers moi, et que sa
bouche s'entr'ouvre pour me sourire, j'ai envie de mordre ses lèvres
et sa langue, tellement cette senteur nouvelle me semble bonne.
Il y a, par dessous, quelque chose qui craque et vous emporte.
Ma sœur va bientôt s'endormir ; je prends ses bras pointus et
les croise sur mes yeux, afin que la lumière perdue les ferme tout à
fait. Mais elle me sourit toujours triomphalement, et l'odeur monte,
si forte, que je pense soudain à tuer ma sœur pour la lui prendre.
J'ai enfoncé mon couteau en traversant sa jolie chemise ; ses
mains, au fond des draps, sont froides et blanches. Les miennes, trop
vivantes, n'ont pas de force, mais je vois, blotti dans ma paume, un
petit fruit froncé de fragments roses et brillants que je mets à
fondre entre mes doigts.
(
Extrait de la revue « Obliques » consacrée à Hans
Bellmer, éditions Borderie 1979 )
Hans Bellmer - Tour menthe poivrée |
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