mardi 24 janvier 2017

Jean-Pierre Duprey - Descente aux envers

  Là-bas, il se déplie, plus bas encore, il s’est surpris… Fantôme à chaque tournant du corps : dans le feu, affolé, dans la terre éthérée… c’est là qu’on le trouve, là, au lieudit où le soleil ne fait bouillir que la marmite des minuits

  Décor : La demeure sans fenêtre, aux regards sans porte, aux oreilles sans mur, ou seulement, seulement, alors, autour de la chambre ouverte par une blessure qui m’était faite.
Quelqu’un traduisit le langage des ombres : « Rien que le silence pour maudire ! » La voix avait l’absence du sel dans la lune.
La voix disait encore à quelqu’un : « Je t’abandonne ! »
Et ce quelqu’un venait à moi penché, sur ma mort ou inventé dans mon existence.
Quelqu’un ayant parlé, je me compris au piège de mon trajet. Quelqu’un disait : « Ah là, cerveaux, si l’on vous tourne ! »
  Et moi, je me prenais au piège de mon trajet d’ombre noyée où la mer couvait un œuf de patience.
  Et quelqu’un : « Cerveau, que de pensées enterrées sans nom ! »
  Et là je me voyais descendre dans l’imagerie d’un sable toujours plus fin et, me suivant à la trace, entendais les sable perdus voyager des pas mouvants dans ma poitrine…
Et quelqu’un : « Cerveau, fantôme chaque fois ! »

  Cela suffirait-il pour m’écarter de mes dents, pour m’éviter de mes yeux ?

J’inventais :
  Qu’ayant la mer, je me gorgeais de quelque sang, où je coulais, moi-même liquide, vers ces rivières nommées : Merci.
  Qu’ayant le temps, je me secouais d’un vent nommé Merci, en une grande carcasse de rire dont je ne finirai plus de compter les morceaux.
 Et qu’avant tout… devant mon invention, je me dressai, muraille, je relevai la face, les yeux dans les yeux du Visiteur.

( Extrait de « La fin et la manière , Le voyageur épris au rêve», 1959. Ed. Le Soleil Noir 1965)

Jorge Camacho  - Le crâne-de-nuit
(Hommage à Jean-Pierre Duprey) , 1964