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samedi 14 mars 2015

Jiddu Krishnamurti, extrait du « Dernier journal »

Krisnamurti sous le cèdre de Brockwood,
octobre 1984
Vendredi 11 mars 1983

[…] Nous avons scindé la terre comme si elle nous appartenait - votre pays, le mien, votre drapeau, son drapeau, la religion d'ici et celle de l'autre, là-bas. Le monde, la terre est divisée, en morceaux. Nous nous battons et disputons pour la possession, et les politiciens exultent de pouvoir maintenir cette division, sans jamais considérer le monde comme un tout. Ils n'ont pas l'esprit global. Jamais ils ne ressentent ni ne perçoivent l'immense potentiel de n'avoir pas de nationalité ni de division. Ils ne s'aperçoivent jamais de la laideur de leur pouvoir, de leur position, de leur sentiment de supériorité. Ils sont comme vous et moi, mais ils occupent le siège du pouvoir avec toute la mesquinerie de leurs désirs et de leurs ambitions. Ainsi, ils assurent la survivance d'un comportement « tribal » que l'homme a toujours eu à l'égard de l'existence. Ils n'ont pas l'esprit libre de tout idéal ou idéologie, l'esprit qui dépasse les divisions entre les races, les cultures et les religions que l'homme a inventées. Les gouvernements seront nécessaires tant que l'homme ne sera pas sa propre lumière, tant qu'il ne mettra pas de l'ordre et de l'affection dans sa vie quotidienne, et qu'il ne portera pas un soin attentif à son travail, à ses observations, à son apprentissage. Il préfère être dirigé dans ses actes, comme il l'a été depuis toujours, par les anciens, les prêtres, les gourous. Et il accepte les ordres de ceux-ci, leurs curieuses pratiques destructrices, comme s'ils étaient des dieux incarnés, comme s'ils connaissaient toutes les conséquences de cette vie si extraordinairement complexe.
Au-dessus des cimes des arbres, du haut de ce rocher qui a un son propre comme tous les êtres de la terre, on se demande combien de temps il faudra à l'homme pour apprendre à vivre sans querelles ni combats, sans guerres et sans conflits. L'homme a créé le conflit par sa division linguistique, culturelle et superficielle du monde. L'être humain a évolué pendant des siècles de souffrance et de chagrin, de plaisir et de crainte, combien mettra-t-il pour trouver une autre façon de vivre ? […]


(Extrait du « Dernier journal » de Krishnamurti , Éditions du Rocher, 1993)


Livre Audio : Dernier Journal par Jiddu Krishnamurti

Dernier journal Le journal que publia Krishnamurti en 1982 est l'une de ses œuvres les plus connues du grand public. La dernière partie, présentée ici pour la première fois, a été enregistrée à Pine Cottage, sa maison de Californie. L'essentiel de sa philosophie se trouve dans ce recueil.Il introduit parfois un visiteur imaginaire ou un étudiant dont les questions vont lui permettre de préciser sa pensée et de prévenir nos objections. Convaincu que la plupart des maux graves dont souffre l'homme naissent de son égocentrisme, du moi et de son besoin d'affirmer d'hypothétiques différences, Krishnamurti montre la voie de la sérénité : un esprit, une conscience globale sont nécessaires pour comprendre que nous sommes, chacun, l'humanité entière. "Le monde est malade ", et tout homme en est responsable. L'auteur aborde les thèmes qui lui sont chers : les vertus du doute et la liberté de l'esprit, les rapports de la pensée et du temps, la méditation, l'intelligence de l'amour... En poète, en marcheur infatigable, il livre les réflexions apaisantes que lui inspire l'observation de la nature, préparant le lecteur à s'accorder intuitivement à l'enseignement qui les prolonge. Deux ans plus tard, Krishnamurti s'éteignait à Pine Cottage.


jeudi 27 août 2009

Jiddu Krishnamurti - Journal 4 avril 1975


Le hasard voulut qu’il passât plusieurs mois dans une petite maison délabrée, perchée sur la montagne et complètement isolée. Elle était entourée d’une multitude d’arbres, c’était le printemps et l’air embaumait. La solitude était celle des montagnes et de la beauté de la terre rouge. Les hauts sommets étaient couverts de neige et certains arbres étaient en fleurs. Il vivait seul parmi cette splendeur. La forêt était proche, emplie de daims, de quelques ours et de grands singes à têtes noires et longues queues, sans oublier les serpents. Dans cette solitude profonde, curieusement, on se sentait proche de tous ces animaux. On ne pouvait rien blesser, pas même la petite pâquerette du sentier. Dans cette relation, nul espace ne les séparait de vous ; cela n’avait rien d’artificiel et n’avait pas été créé par une conviction intellectuelle ou sentimentale. Il en était ainsi, tout simplement. Ces grands singes s’approchaient en bande, surtout en fin de journée. Certains s’asseyaient par terre, mais la plupart se perchaient dans les branches et vous regardaient tranquillement. Ils étaient étonnamment calmes ; de temps à autre, l’un d’entre eux se grattait et nous nous examinions mutuellement. Ils venaient pratiquement tous les soirs, prenant soin de n’être ni trop près, ni trop haut dans les arbres, et chacun avait conscience de la présence silencieuse de l’autre. Nous étions devenus bons amis, mais ils ne semblaient pas vouloir empiéter sur notre solitude. Un après-midi, comme il se promenait dans la forêt, il les rencontra soudain dans une clairière. Ils étaient une bonne trentaine, jeunes et vieux mêlés, assis en rond parmi les arbres de cet espace ouvert, parfaitement silencieux et immobiles. Il aurait pu les toucher. Ils n’éprouvaient aucune peur et il s’assit par terre. Nous nous sommes regardés jusqu’à ce que le soleil disparaisse derrière les pics neigeux.
Si l’on perd le contact avec la nature, on perd le contact avec l’humanité. Coupé de tout rapport avec la nature, on devient un tueur. On peut alors massacrer des bébés phoques, des baleines, des dauphins ou des hommes, pour le profit, le « sport », pour sa nourriture ou au nom de la science. La nature se sent alors menacée par vous et vous prive de sa beauté. Vous pourrez effectuer de longues promenades dans les bois ou camper dans des endroits merveilleux, vous resterez un tueur et tout rapport d’amitié avec ces lieux vous sera refusé. Vous n’êtes probablement proche de rien ni de quiconque, qu’il s’agisse de votre femme ou de votre mari. Vous êtes bien trop occupé, pris dans la course des profits et des pertes et dans le cycle de votre propre pensée, de vos plaisirs et de vos douleurs. Vous vivez dans les ténèbres de votre propre isolement, et vouloir le fuir vous plonge dans des ténèbres encore plus profondes. Vous ne vous préoccupez que d’une survie à court terme, irréfléchie, que vous soyez accommodant ou violent. Et des milliers d’êtres meurent de faim ou sont massacrés à cause de votre irresponsabilité. Vous abandonnez la marche de ce monde aux politiciens corrompus et menteurs, aux intellectuels, aux spécialistes. Etant vous-même dépourvu d’intégrité, vous édifiez une société immorale, malhonnête, qui repose sur l’égoïsme absolu. Et quand vous tentez de fuir cet univers dont vous êtes seul responsable, c’est pour aller sur les plages, dans les bois ou faire du « sport » avec un fusil.
Il est possible que vous sachiez tout cela, mais la connaissance ne peut nullement vous transformer. Ce n’est qu’en éprouvant le sentiment de faire partie intégrante du tout que vous serez relié à l’univers.

(Extrait du « JOURNAL » de KRISHNAMURTI,
traduit de l’anglais par Nicole Tisserand,
éditions BUCHET/CHASTEL 1991)

mercredi 1 juillet 2009

Jiddu Krishnamurti - Se libérer du conditionnement

Jiddu Krishnamurti (1895-1986) naquit en Inde et fut pris en charge à l’âge de treize ans par la Société théosophique, qui voyait en lui « l’Instructeur du monde » dont elle avait proclamé la venue. Très vite Krishnamurti apparut comme un penseur de grande envergure, intransigeant et inclassable, dont les causeries et les écrits ne relevaient d’aucune religion spécifique, n’appartenaient ni à l’Orient ni à l’Occident, mais s’adressaient au monde entier. Répudiant avec fermeté cette image messianique, il prononça à grand fracas en 1929 la dissolution de la vaste organisation nantie qui s’était constituée autour de sa personne ; il déclara alors que la vérité était « un pays sans chemin », dont l’accès ne passait par aucune religion, aucune philosophie ni aucune secte établies.

Tout le reste de sa vie, Krishnamurti rejeta obstinément le statut de gourou que certains voulaient lui faire endosser. Il ne cessa d’attirer un large public dans le monde entier, mais sans revendiquer la moindre autorité ni accepter aucun disciple, s’adressant toujours à ses auditeurs de personne à personne. A la base de son enseignement était la conviction que les mutations fondamentales de la société ne peuvent aboutir qu’au prix d’une transformation de la conscience individuelle. L’accent était mis sans relâche sur la nécessité de la connaissance de soi, et sur la compréhension des influences limitatives et séparatrices du conditionnement religieux et nationaliste. Krishnamurti insista toujours sur l’impérative nécessité de cette ouverture, de ce « vaste espace dans le cerveau où est une énergie inimaginable ». C’était là semble-t-il, la source de sa propre créativité...