Affichage des articles dont le libellé est André Pieyre de Mandiargues. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est André Pieyre de Mandiargues. Afficher tous les articles

samedi 26 juin 2021

André Pieyre de Mandiargues "L’ami des arbres" suivi de "La tour"

André Pieyre de Mandiargues sur la plage de Tecolutla,
Veracruz, Mexique, 1958 © Bona Pieye de Mandiargues


                                                           L'ami des arbres


   Il neigeait. Un hangar, comme des halles vides, se dressa dans une clairière au milieu des sapins, et des vierges y dansaient entre elles sous un grand toit de plomb. Leurs pieds soulevaient une poussière qui devait avoir été laissée par du foin fleuri, car elle brûlait la gorge et les yeux. J’eus si mal que je cessais de voir. Alors je sentis qu’une bouche, qui était chaude malgré le vent, baisait la mienne d’une façon toute neuve, puis il y eut des éclats de rire autour de moi, des bruits de fouets et de roues, un dernier ricanement, loin déjà.

   Peu à peu, j’ai retrouvé l’usage de la vue, mais j’ai pris les peuples en haine. Seulement le murmure est doux de la sève à la fin de l’hiver, quand une écorce est contre mon visage et qu’un arbre se penche sur moi, son ami, son frère.


(Extrait de Astyanax , Le terrain vague 1957, Paris) 


Ex-libris André et Bona Pieyre de Mandiargues, eau-forte de Bona


La tour



Grand cerf que vois-tu hors de la tour des hommes
Pour jeter si haut la tête dans l'air bleu
Cerf chargé de cordes et de fers
Cerf vaincu cerf lié sur la terre d'antan
Roi cerf humilié que vois-tu au-dehors ?

Un long chemin de boue d'un horizon à l'autre
Qui vient raser le pied de la tour où nous sommes.

Une femme errante un enfant vil de pauvres chiens trembleurs
Salis d'eau limoneuse d'argile et de craie
Ils se taisent je ne sais ce qu'ils souhaitent
Perclus devant le fossé de la tour.

Dans le claquement d'un vol de foulques brunes
L'enfant tombe et la mère s'incline
Ses mains s'égarent je crois qu'elle est aveugle.

Le char soyeux de la reine d'enfer
sur un petit bois de sapins et d'ifs
Flotte entre les vapeurs blanches de l'hiver.

Qui voit de telles choses a honte jusqu'à sa propre mort.

La mère ébauche une danse d'aïeule
Dans le cercle des chiens immobiles
Le lit de la route est partout découvert
Profond partout entre les touffes sombres
L'enfant a fui sans avoir fait un cri
Le temps qu'on le retrouve il n'est déjà plus chaud.

Sur lui s'abat la mère
Sur le roulis d'un ventre en forme d'œuf
Elle défait des linges fiévreux
Dénude un chair enflée des membres minces
Un petit corps piteusement vieilli
Sous la main la peau mûre se rompt aussitôt
crève sous les ongles chafouins
Plus d'eau que de sang coule.

Le sein cave est un marais d'ordures
Où remuent des serpents d'onyx et de corail
Les os cassent comme du bois gelé
Les doigts pourris vont aux chiens
Cinq chiens à la robe de plâtre
La bouche bée exsangue et les yeux blancs
Guettant la mère qui déchire et dévore.

Festin de mère et de chiens
Festin familial au pied des murs où me tiennent les hommes
Afin que mes bois couronnent leur œuvre sordide.

Au-dessus de la porte est un loup crucifié
Qu'ils ont pris avant moi dans la natale forêt verte
Le fossé lance autour de son crâne sournois
Une sale buée où je pressens le soir
Femmes et chiens repus s'apprêtent à descendre
Lentement vers l'immonde pays d'en-bas.

Et je resterai cerf solitaire dressé sur un ciel morne
Jusqu'à la fin qu'en vain je brame aux quatre vents.


(Extrait de  
L'âge de craie suivi de Hedera
Gallimard, Paris 1961)

D'autres poèmes de André Pieyre de Mandiargues
à lire ICI et




André Pieyre de Mandiargues, Villahermosa 1958, photo de Bona

 

vendredi 19 septembre 2014

André Pieyre de Mandiargues - Chenille pour Unica Zürn

André Pieyre de Mandiargues 1933

Ainsi que le fleuve chinois
Clignant de lourds bateaux de filles
Sur l'eau précieusement pourrie,

Berlinoise bottée de plume
peinte de phosphore et de musc
Fouettée de nacre en pluie bleue,

Rayonnant par toutes les pierres
par tous les métaux de la lune
Entre l'écaille et le satin,

Belle à faire hurler le goût
Elle a cambré pour mieux nous plaire
Son atour de paon et de truie.


(Extrait de Le point où j'en suis suivi de Dalila exaltée et de   La nuit l'amour, Gallimard, Paris 1964)



Unica Zürn - Zebooth, 1954

Unica Zürn -  Sans titre 1954 


Unica Zürn - Das ist Hang Général, 1954
Unica Zürn - Sans titre 1954

lundi 16 juin 2014

Joyce Mansour - Les morts aux têtes de chiens


A André Pieyre de Mandiargues

Je sais que les morts en coït muent et réapprennent
                                                               à souffrir
Quand la lune sort sa verge aux yeux de pluie
Ils bougent dans leurs plaies et tournent et semblent
                                                                  défaillir
Endiablés par le vide
Perdus disloqués
Ils emplissent l'air de leurs membres ouvrent leur
                                                   bouches crient
Des perles bourgeonnent sur leurs jolis moignons
Le lait jaillit
Mais la bruine gonfle les cieux où nage la pourriture
Noyant même les morts aux yeux endimanchés
Noyant les tyrans qui se disputent l'éternité
Faisant flotter hommes et biens
Femmes enfants hommes chiens chiens à têtes d'homme
Tous ces chiens d'hommes
Ces biens d'hommes
Dans la soupe filandreuse
Du néant.

(Extrait de « Rapaces » 1960)

Joyce MANSOUR présente à Georges BENAYOUN
sa collection d'oeuvres d'art rassemblée avec BRETON
et décrit sa relation avec lui. Man RAY commente l'humour noir.
Lecture d'Aphorismes de Georg Christoph LICHTENBERG.