Nora Mitrani by Fernando Lemos |
Miroirs l'un pour l'autre, ne voient leurs doubles les quitter, timides, pour aller s'embrasser silencieusement sur une autre planète, car le jeu érotique, qui se caractérise toujours comme second mouvement, signifie pour l'amour à la fois sa culmination et son épuisement prochain, à trop s'aventurer sur ce terrain glissant de la conscience de conscience, réflétante-réflétée à l'infini.
Cependant, ce vertige provoqué par soi-même, face au regard apparemment tranquille d'autrui, ce vertige, parce qu'il n'est en aucune manière comparable à la volupté solitaire, bien qu'obtenu par le même procédé mécanique, se trouve peut-être en mesure de dévoiler certains aspects de l'amour même. Ne serait-il pas avant tout besoin d'être, tension inquiète vers soi, tout se passant comme si l'on ne pouvait s'atteindre et s'aimer que par le truchement de l'autre, et retrouver ainsi une solitude seconde, enrichie de la présence de l'amant, source et confluent d'images, au lieu de subir la solitude maudite d'avant l'amour ? Cette solitude ne saurait être conquise, cette identification à soi réalisée que si l'autre a été vu, quelque part en lui-même comme semblable ou analogue ; dans cette mesure, l'inceste peut se présenter comme la plus prometteuse des tentations puisque la parenté physiologique semblerait à priori multiplier les chances d'analogie. Mais il n'est pas nécessaire que la parenté soit de cet ordre : on se laisserait volontiers aller à imaginer que non seulement le rein, les jambes, les yeux d'un être, mais jusqu'à son cœur puissant puissent être greffés sur un autre corps et y vivre, si ces individualités, régies par des coordonnées identiques, appartiennent à la même constellation mentale.
Mais peut-être est-ce une manière de penser purement féminine, car l'homme s'avoue plus difficilement que son être contient aussi du manque d'être et que cela ne se comble que par la densité d'un autre corps, ou son image. Peut-être d'ailleurs en convient-il, car enfin, la possibilité des amours réciproques ne demeure pas tout à fait exclue.
Nora MITRANI
(In revue « Obliques » n° 14-15 – La femme surréaliste – Editions Borderie 1977)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Nora_Mitrani
Hans Bellmer et Nora Mitrani le 17 novembre 1947, à Toulouse |
Hans Bellmer - Portrait of Nora Mitrani, late 1940s |
Hans Bellmer - Nora 1949 |
Hans Bellmer, Portrait of Nora Mitrani (1946) |
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