vendredi 9 novembre 2018

Pierre Molinier, L'art magique



André Breton, Pierre Molinier et l'art magique
Pierre Molinier - Collage original définitif
de L'étoile de six, planche 43 du "Chaman
et ses créatures".

D'une fusion de joyaux entre lesquels domine l'opale noire, le génie de Molinier est de faire surgir la femme non plus foudroyée mais foudroyante, de la camper en superbe bête de proie. La vertu de son art, qui se veut délibérément magique, aussi dédaigneux que possible des puérils artifices du trompe-l'œil (quand bien même ceux-ci seraient mis au service de l'imagination), est d'enfreindre la loi qui veut que toute image peinte, si évocatrice soit-elle, demeure malgré tout objet d'illusion consciente, n'accède pas au plan de l'intervention active dans la vie. Les contes ont eu beau véhiculer vers nous le vieux rêve oppressant du personnage descendant de son cadre, ce n'est pas la peinture, par ses moyens propres, qui jusqu'ici nous avait acculés à cette perspective menaçante. Je ne crains pas de dire qu'avec Molinier, pour la première fois, il en va autrement. Une échelle de soie a pu enfin être jetée du monde des songes à l'autre, dont se trouve ainsi démontré qu'elle ne pouvait être que celle de la tentation charnelle. Cette tentation insinuante en diable, dans les yeux des merveilleuses créatures qui s'offrent ici sans vergogne, fait ciller et vaciller tour à tour, les conjuguant, ceux que nous ne pouvions que prêter à la Mathilde du Moine, à l'Alberte du Rideau cramoisi, à la Solange des Détraqués, à Madame Edwarda, à O, à la Lucie « petite folle des bois du Jules César de Joyce Mansour.

Tout ce que Pierre Molinier a peint en dehors d'elles participe, avec la digitale, la belladone et la stramoine, de leur sillage de rosée. Ses fleurs, fussent-elles des pivoines répandues, exhalent encore le parfum de leurs cuisses, d'autant plus ravissantes que damnantes d'hybridité.     

   
 
Pierre Molinier, Oh! Marie… Mère de Dieu, 1965.























Pierre Molinier - Le bonheur fou, 1968-71.

Pierre Molinier, L'art magique


Parler de L'Art magique ici, et d'une manière trop explicite, serait entamer une trop longue discussion sur l'univers, c'est à dire sur la « cause ».
L'art magique : effet qui, par métamorphose, devient cause.
L'artiste magicien traduit le message, maillon d'une chaîne sans commencement ni fin, cercle infernal, dans lequel l'être humain se meut, tel un prisonnier.
D'où l'interrogation : d'où venons-nous, que sommes-nous, où allons-nous ?
Résoudre ce problème, passer les limites de l'infranchissable, plonger dans le Cosmos, fouiller l'infinitésimal sensoriel, déceler une parcelle du mystère : Art magique, traduction et libération, rayonnement d'un problème sans fin.
Magie n'est pas fiction, mais liaison étroite de réalités multiples. Le surréalisme a créé une fiction dont le fil est lui-même magique. Il a foncé désespérément comme une « chevalerie » sur l'obstacle mystérieux de l'univers, et lui en a arraché des parcelles qui restent secrètes. Partisan parfois inconscient, il est le franc-tireur qui s'offre en holocauste, à l'avant-garde d'une armée très ordonnée : la Magie.
Il semble que dans le temps présent, en un besoin de renouveau, après « un long stationnement sur les voies de garage de l'imitation » l'art veut s'ébattre, et prend une allure effrénée. Il est toutefois probable que l'inquiétude humaine est pour une part dans cette effervescence.
Le machinisme-collectivisme, poire d'angoisse, a pris la place des espérances périmées, brimant l'individu, ajoutant l'obsession à l'anxiété du prisonnier.
Il est fatal qu'après ce surréalisme précurseur, une explosion d'abstraction se fasse jour, et que, dans une montée désordonnée où les valeurs se confondent, s'affirme la tendance à un même idéal qui est celui de la désespérance.
Comme dans une révolution réduite à l'impasse, les révoltés, après l'engagement, cherchent leur salut. Par un hasard anarchique, un art semble propice à ce cahos : l'Art magique.

(Extrait de « MOLINIER » © 1969, Jean-Jacques Pauvert éditeur)


                    Pierre Molinier, "à mon seul plaisir" (1900-1976)



Pierre Molinier - Le chaman et ses créatures, William Blake & Co. Éditions 

 

 
Pierre Molinier - Le temps de la mort n°1 (1962)
Pierre Molinier - Le temps de la mort n°1 (1962)
Pierre Molinier - Autoportrait dans
l' atelier du grenier Saint Pierre
peignant " Les Fleurs du Paradis".
Pierre Molinier - Autoportrait dans
l'atelier du grenier Saint Pierre vers 1950


Pierre Molinier, Ce Qui Est Merveille, 1966.
Pierre Molinier - Épero d'amor, 1960.
Pierre Molinier - La Comtesse Midralgar, 1950.


Autoportrait à la poupée
devant ses toiles, c. 1965.

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