mardi 19 mars 2013

JEHAN MAYOUX - Habitante de sa robe

Jehan Mayoux - Ma tête à couper -
Frontispice de Yves Tanguy. Paris, GLM, 1939


Le désir et l'amour sont les ailes de la plus soudaine aubergine
Une invisible main
Fuira de vous de tant d'objets funèbres au lit mousseux
Dormez dormez plutôt dormez
Quarante ans par le voix comme un fleuve éloigné
Flot à flot le long fleuve une invisible main
L'œil brillant comme un peuplier vert qui fuit à tire d'aile
L'arc aux rameaux touffus
Viendra l'incendie replié sur son cœur et sa proie
Insectes endormis sur les jarrets de chaudes draperies sous des liens
D'écorce et le sang d'un cheval autrefois peuplé de sénateurs
Et de quel œil
Je me c ache à vos yeux exclus du sang
J'ai cent fois réduit en cendres les parfums
Sacré linceuls toits de nos pères
Une invisible main germe chaque an d'avance au revers du couteau
Pour s'élever présage de lumière et de sueur
Habitante de sa robe aux flots fauves tueurs
Et leurs soixante voix écoutez-les dans des prisons de pierres derrière le nuage
Je n'ai pas arraché
Mes mains
D'étoiles et je n'ai rien laissé s'abriter
La main
Si son ombre règne encore
L'oreille qui part droit de conquête flotte au milieu d'elle
Il faut la recevoir les cheveux noués
Sur la mousse agitant nageoires et queues à pleins paniers
Une invisible main aux cheveux blancs
Tomba dans l'œil contemplatif
(Et plus loin le fantôme dans le tronc s'use) et le regard
Rentra dans son grand lit
Ô ma main familière
Ici foula mon corps étincelle aux lambris d'herbe molle

(Extrait de « Ma tête à couper », Paris, Éditions GLM, 1939)


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