jeudi 15 octobre 2009

LAURE "LE SACRÉ" (extrait)

... Je n'habitais plus la vie mais la mort.
Aussi loin que je me souvienne
les cadavres se dressaient tout droit devant moi :
" Tu as beau te détourner, te cacher, renier...
Tu es bien de la famille et tu seras des nôtres ce soir."
Ils discouraient, tendres et sardoniques,
ou bien,
à l'image de ce Christ, l'éternel humilié, l'insane bourreau,
ils me tendaient les bras.
De l'Occident à l'Orient
de pays en pays
de ville en ville
je marchais entre les tombes.
Bientôt le sol me manqua.
Qu'il fût herbu ou pavé,
je flottais,
suspendue entre ciel et terre,
entre plafond et plancher.
Mes yeux, douloureux et renversés,
présentaient au monde leurs lobes fibreux,
mes mains, crochets de mutilés,
transportaient un héritage insensé.
Je chevauchais les nuages
avec des airs de folle échevelée
ou de mendiante d'amitié.
Me sentant quelque peu monstre,
je ne reconnaissais plus les humains
que pourtant j'aimais bien.
On me vit atterrir
au ciel de Diorama
où glacée jusqu'aux os
je me pétrifiai lentement
jusqu'à devenir
un parfait accessoire de décor.



(Extrait de "Ecrits de Laure"
ed. J.J.Pauvert 1985)





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