mercredi 26 novembre 2014

Joë Bousquet – "Blanche par amour"

Transparente un regard l’efface une larme la contient. Elle se montre le soir l’embrasse sans la voir il a le poids de ses paupières.
Dans la chambre Louis XVI que la pupille a tricotée blanche et plus haute que le naufrage les mers affleurent à la coupure des miroirs un voilier les unit dans la peur d’une abeille.
Le bois des panneaux frise et fleurit s’ovalise la reflète sans toucher les bords des jardins qu’elle éclot.
Si petite et tirant et tirant le fil d’un panier à ouvrage plus grand que la maison.
C’est ta pupille. Sa chair d’avant le sang s’est fermée hors du soir. Le beau temps tremble sur elle où ton regard répand qu’il ne fait noir qu’en tes eaux close. De la pluie aux moissons tout ce qui la respire illimite ta peur de la nuit que tu es.
Dans les ténèbres issues du temps cours jusqu’à l’effleurer comme sur l’herbe folle de la nuit incomparable. Franchis l’ombre qui est ton ombre. Où ta pupille rit c’est le printemps elle s'incline et tu es le nid d’une hirondelle qui l’entrouvre. Un soc s’est aiguisé à la lumière que tu sèmes et il te viole avec tes yeux.
Amande glacée d’une enfance où la nuit détale comme un chat noir.
Offrant ta chair en partage à sa pâleur que l’ombre coupe elle égoutte son surnom sur un gâteau de roi où dure elle est entrée avec les dimensions d’une fève
aile du noir Pupille de la nuit vorace la Blanche par amour comme l’herbe au vent et la mer fleurie est la seule semaille qui ne noircisse pas au soleil.

(Extrait d'une lettre de Joë Bousquet adressée à Hans Bellmer le mardi 12 septembre 1945)

Joe BOUSQUET ou le mouvement paradoxal

Bien que paralysé, le poète carcassonnais Joë BOUSQUET fut une des plus importantes "boîtes aux lettres" de la Résistance. A la manière d'une fiction, mais aussi à partir de documents d'archives, ce portrait reconstitue la vie de cet homme, qui a sauvé des dizaines de juifs et de résistants sans quitter sa chambre.Des photos le montrent dans son enfance, en militaire, dans son fauteuil roulant et à différentes époques de sa vie.Un comédien dans un lit entouré de livres fume de l'opium pendant que sa soeur Henriette lui apporte des fleurs blanches. Des documents d'archives sur l'écrasement de la République espagnole et sur l'Occupation allemande illustrent les prises de position de l'écrivain sur ces événements. La fin du sujet éclaire le rôle qu'a joué Joe BOUSQUET dans la Résistance. Une voix off lit des textes de ce poète un peu marginal.

dimanche 2 novembre 2014

Roger Caillois - "Le monde a commencé avec les pierres..."


« De tout temps, on a recherché non seulement les pierres précieuses, mais aussi les
pierres curieuses, celles qui attirent l'attention par quelque anomalie de leur forme ou
par quelque bizarrerie significative de dessin ou de couleur. Presque toujours, il s'agit
d'une ressemblance inattendue, improbable et pourtant naturelle, qui provoque la
fascination. De toute façon, les pierres possèdent on ne sait quoi de grave, de fixe et
d'extrême, d'impérissable ou de déjà péri. Elles séduisent par une beauté propre,
infaillible, immédiate, qui ne doit de compte à personne. »





Rencontre avec Roger CAILLOIS au sujet de sa passion pour les pierres. L'écrivain explique que les hommes se sont toujours intéressés aux pierres. Au moins depuis les Grecs et l'agate de Pyrrhus. Il évoque certains minéraux dans lesquels se voient des paysages tandis que des vertus sont prêtées à d'autres. Il donne des exemples. Il explique combien la structure minérale peut ressembler à la peinture abstraite et les diverses formes qu'une pierre peut prendre. Il parle des pierres de rêves chinoises, de la fragilité de certaines autres. Le monde a commencé avec les pierres dit-il et il fait part des émotions que l'observation de certaines pierres lui procure. Roger CAILLOIS cite un poète chinois qui, face à une pierre, a écrit "avoir fait une randonnée mystique". Pour l'écrivain, la contemplation des pierres l'aide à sortir du quotidien de la vie.L'interview de Roger CAILLOIS alterne avec des images de pierres diverses appartenant à la collection de l'écrivain et des bancs-titres de dessins.






Roger Caillois - L'écriture de pierres lu par Frédérique Bruyas - Music by Emmanuel Dilhac

 



Pierre Henry - Pierres réfléchies / d'après Roger Caillois (I) 

I - Jardins possibles 4'53
II - Diaspre 4'44
III - Rêverie des roches perforées 3'47
IV - Adoratrice du soleil 4'08



Pierre Henry - Pierres réfléchies / d'après Roger Caillois (II)

 I - Cristal Noir 4:09
II - Sel Gemme 2:55
III - Pierres Blessées 4:21
IV - Exorde 4:43

jeudi 23 octobre 2014

Ammonites et autres constellations fossiles...

Le fossile renferme le cycle entier de la création, de la destruction et de la renaissance. Pour moi, les fossiles contiennent tout le mystère, la puissance et l’indestructibilité de la vie.
 André Breton















dimanche 12 octobre 2014

André Breton - De la survivance de certains mythes et de quelques autres mythes en croissance ou en formation

On the Survival of Certain Myths
and on Some Others Myths In Growth or Formation

                             Mise en scène de André Breton


















vendredi 19 septembre 2014

André Pieyre de Mandiargues - Chenille pour Unica Zürn

André Pieyre de Mandiargues 1933

Ainsi que le fleuve chinois
Clignant de lourds bateaux de filles
Sur l'eau précieusement pourrie,

Berlinoise bottée de plume
peinte de phosphore et de musc
Fouettée de nacre en pluie bleue,

Rayonnant par toutes les pierres
par tous les métaux de la lune
Entre l'écaille et le satin,

Belle à faire hurler le goût
Elle a cambré pour mieux nous plaire
Son atour de paon et de truie.


(Extrait de Le point où j'en suis suivi de Dalila exaltée et de   La nuit l'amour, Gallimard, Paris 1964)



Unica Zürn - Zebooth, 1954

Unica Zürn -  Sans titre 1954 


Unica Zürn - Das ist Hang Général, 1954
Unica Zürn - Sans titre 1954

dimanche 7 septembre 2014

Knud Victor

Knud Viktor, le chantre du Luberon
Avez-vous déjà entendu le bruit d'un ver dans un fruit, celui d'un cochon d'Inde dans le ventre de sa mère, capté les messages qu'échangent les vers à bois dans les galeries qu'ils ont creusées dans votre armoire ou votre lit ? Knud VIKTOR l'a fait. Percevant l'imperceptible, il a enregistré sur son magnétophone des milliers de sons qu'il recueille, mélange, transforme, depuis dix-sept ans, pour réaliser la "peinture sonore" de sa montagne bleue du Luberon. Il ne considère pas qu'il s'agit de musique. A l'origine, peintre, graveur, photographe, il explique pourquoi il s'est tourné vers le monde des sons. Il a commencé par réaliser des courts-métrages en Noir et Blanc sur les cigales et peu à peu, "le son l'a pris". Il parle de ses premiers enregistrements. Il a conçu une symphonie qu'il a appelée "Images du Luberon". Pour vivre, il cultive une vigne et son jardin.










Gif from an original photomontage by Goran Vejvodal


mardi 12 août 2014

Esther Moïsa – Appartement 120 (extrait)

Dessin de Jacques Duvivier
Reste un dernier rôle à retirer dans le hall.
Puis c'est jet de fièvre une salve de nerfs avant de ramasser
la poubelle.
Un stock de pousses de paon l'orgueil sans un client.
Une souche d'espèce inconnue perchoir pour nos abrutissements.
On jette les sorts son tablier on se quitte en bêlant balivernes
à bientôt.

Sur la table le manuel des malédictions ouvert à la page neutre
aux généalogies triviales qui vous partagent entre le crime à la
loupe vos postérités domestiques le bengale de vos feux sans
bataille.
Vous n'avez plus qu'un ménage de surface un demi-tour
d'étreinte à effectuer.

Entre-temps l'Aurore.
L'œil pervers vos doigts-fossiles sur le sofa.
L'éraflure rutilante mâle rapace usurpé ce n'est nul devenir
que vos météorologies d'épines ce zèle vorace à faire rôtir la
tourterelle. L'incompatible substance qui en découle.
Dans le four j'enfile l'objet fauve le hasard à rogner.
Je vous condamne à rectifier la taille des épluchures.

Déjà se fige le cygne en sa pluie d'incendies.
Déjà vous félicitez les disciples de la récidive.
Dans les soupentes c'est blanquette ébahie des départs et
l'attaque sans un bouclier.

L'hippocampe dans les catacombes nous décrit :
. roulis crissant la manœuvre des méduses
qui se saoulent à même l'ébréchure du jour répudié.
. Vos deux marrons glacés posés en fin d'année
comme un regret de travers sur la table de chevet.

J'égrène vos spectres autour de la maison
j'apporte des bottes aux étoiles qui fondent sur le plancher.
J'agrippe un éclat de vos fêtes en carton incrusté.
Je bâille au pied du monde.
Même les mouches sont couchées.


(Extrait de Esther Moîsa « Les variations saisonnières ».
Éditions Altor Sae Vertebris 1999)

lundi 16 juin 2014

Joyce Mansour - Les morts aux têtes de chiens


A André Pieyre de Mandiargues

Je sais que les morts en coït muent et réapprennent
                                                               à souffrir
Quand la lune sort sa verge aux yeux de pluie
Ils bougent dans leurs plaies et tournent et semblent
                                                                  défaillir
Endiablés par le vide
Perdus disloqués
Ils emplissent l'air de leurs membres ouvrent leur
                                                   bouches crient
Des perles bourgeonnent sur leurs jolis moignons
Le lait jaillit
Mais la bruine gonfle les cieux où nage la pourriture
Noyant même les morts aux yeux endimanchés
Noyant les tyrans qui se disputent l'éternité
Faisant flotter hommes et biens
Femmes enfants hommes chiens chiens à têtes d'homme
Tous ces chiens d'hommes
Ces biens d'hommes
Dans la soupe filandreuse
Du néant.

(Extrait de « Rapaces » 1960)

Joyce MANSOUR présente à Georges BENAYOUN
sa collection d'oeuvres d'art rassemblée avec BRETON
et décrit sa relation avec lui. Man RAY commente l'humour noir.
Lecture d'Aphorismes de Georg Christoph LICHTENBERG.


lundi 14 avril 2014

Georges Bataille - Hans Bellmer - Marquis de Sade

« Les effets n'ont peut-être pas toujours besoin d'une cause. »
SADE



   Très différent de ses héros, en ce qu'il témoigna souvent de sentiments humains, il connu des états de déchaînement et d'extase qui lui parurent de beaucoup de sens à l'égard des possibilités communes. Ces états dangereux auxquels le conduisaient des désirs insurmontables, il ne jugea pas qu'il pouvait ou devait les retrancher de la vie. Au lieu de les oublier, comme il est d'usage, en ses moments normaux, il osa les regarder bien en face et il se posa la question abyssale qu'ils posent en vérité à tous les hommes. D'autres avant lui avaient eu les mêmes égarements, mais entre le déchaînement des passions et la conscience subsistait l'opposition fondamentale. Jamais l'esprit humain ne cessa de répondre parfois à l'exigence qui mène au sadisme. Mais cela se passait furtivement, dans la nuit qui résulte de l'incompatibilité entre la violence qui est aveugle, et la lucidité de la conscience. De son côté, la conscience, dans sa condamnation angoissée, niait et ignorait le sens de la frénésie. Le premier, Sade, dans la solitude de la prison donna l'expression raisonnée à ces mouvements incontrôlables, sur la négation desquels la conscience a fondé l'édifice social et l'image de l'homme. (…)

Sade se fonde sur une expérience commune : la sensualité – qui libère des contraintes ordinaires – est éveillée, non par seulement par la présence, mais par une modification de l'objet possible. En d'autres termes, une impulsion érotique étant un déchaînement (par rapport aux conduites du travail, et, généralement, à la bienséance) est déclenchée par le déchaînement concordant de son objet.

Georges Bataille
« Sade »

in La littérature et le mal

Bellmer manifestait une véritable prédilection pour l'œuvre de Sade, aux thèmes de laquelle il a consacré plusieurs suites de gravures ( A. Sade, Petit Traité de Morale, Mon arrestation du 26 août) dont nous donnons ici quelques extraits les plus représentatifs.









 (Extrait de Obliques/Bellmer, Éditions Borderie 1979)